Gepubliceerd op: zondag 8 april 2012

Vertaallab 14 Édith Azam – Mouvements & Le jour du jour

Vertaallab is een serie op Ooteoote die dichters uit andere taalgebieden aan de lezer voorstelt. Elke aflevering minstens één spiksplinternieuw gedicht. Dat u mag vertalen, als u wilt. Graag zelfs, wat ons betreft. Post uw vertaling van (één van) onderstaand(e) gedicht(en) als reactie op dit bericht.
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MOUVEMENT 1

Il est passé trois heures le sommeil ne vient pas. Ce qui remonte, c’est la musique. Ouvrant la nuit elle me vient là, sans doute est-ce moi qui respire. Ce serait beau, ce serait beau… Ce serait beau n’est-ce pas ? N’est-ce pas que la musique… Alors je me dirais, nul jamais ne saurait, je me dirais pour nos visages, ils tremblent. On suivrait les oiseaux, ils tremblent de trembler, dans ma chambre d’hôtel, ma chambre n’importe où, le vent alors, alors le vent s’engouffrerait. On verrait très très loin, beaucoup plus loin encore que les grands paysages. N’est-ce pas ce serait beau, n’est-ce pas ? Bousculant, bousculant tous les jours et plusieurs fois par jours jusqu’à… devenir et alors… et alors c’est trois heures, trois heures d’une nuit, trois heures une fois par vie, et mon saxophoniste… Hein, il serait beau n’est-ce pas, qu’il serait beau ? Le ciel s’envolerait d’oiseaux : il ferait froid. Et alors ma chambre d’hôtel, celle avec des draps tout froissés avant le lever des oiseaux. Mon inconnu, chambre d’hôtel, les draps froissés bien sûr, ce serait n’importe où, c’est n’importe où ma chambre et une fois encore, et une fois toujours, nous perdrions nos visages et… ce serait beau, si vous saviez comme c’est ce serait beau n’est-ce pas ? Et partout, partout le vent dans la chambre, le vent les oiseaux, et le long des rideaux grimperait la musique, encore des caresses, oh que ce serait…hein ? hein ?.. De nos visages disparus rien, rien ne saurait se dire parce que… parce que c’est beau de n’en rien dire et puis le blanc, le blanc autour et ce serait si beau… si beau…

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MOUVEMENT 2

Une parole, vite, sans trace. Une balle en granit incrustée dans la peau : je bascule ma tête s’ouvre et c’est à la fin de la lumière. Je lis dans les veines de ma gorge, dans les veines de ma gorge, dans les veines… Le vide et la terreur, ce n’est pas le début, non non, c’est la terreur. Effacer effacer. Paysage irréel, son mat, solitude : Du sable dans la tête. Respiration. Respiration coupée. Lui ses doigts tremblent sur la table. Elle : a des partis pris. Elle cherche l’assassin de l’imaginaire. Les bruits du corps : dedans les voitures. L’énervement ronge les dents, ronger les dents nous rouille. La géographie n’a pas de mesure. Ils parlent tous les deux à présent. Mais ça ne fonctionne pas, leur phrase est agrammaticale, leur longue et même phrase qui tourne en boucle : obligé. Comment ça s’est fini ? je suis partie, et c’est très bien comme ça. Mais un mot me gêne, une exclusion, une précision injustifiée. C’est possible, oui, exactement, il faudrait supprimer, supprimer : l’assassin de l’imaginaire. Le vent s’engouffre, il gèle. Il gèle des oiseaux, ma tête s’ouvre, les veines de ma gorge… je bascule, je ne peux m’arrêter de basculer, basculer. Le crissement d’un rideau de fer, la ligne de chemin de fer, les mensonges c’est dans les yeux, c’est dans les coins, aux commissures, mais ferai pas de commentaires. Si je me trompe oui, je suis prête à faire ça, réintégrer ma friche, plus faire de commentaire.

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MOUVEMENT 3

L’événement est brutal quoiqu’il advienne la moindre sensation est secousse le reste ne me concerne pas au téléphone j’entends des voix si je ne parle pas c’est qu’une parole m’étrangle je n’habite plus chez moi je dors dans une absence je couche dans les bras des mots que je n’ai pas osé dire je couche avec mes maladresses le matin je bois du café c’est égal j’avalerais aussi bien des tisanes dans le ventre souvent j’ai mal on dit que je fais de l’angoisse alors je dis que oui je suis angoissée comme ça tout paraît réglé mais je sais ce n’est pas cela c’est l’absence les mots le long du cœur qui me grignotent la poitrine je suis adulte je ne crois pas savoir grand chose mais je veux bien le faire croire je sais que cela rassure c’est comme les voix au téléphone je dis que c’est au téléphone c’est beaucoup plus souvent en fait et c’est d’un peu de partout qu’elles m’arrivent alors j’ai le corps qui tressaille parce que l’événement est brutal la moindre sensation est secousse ce n’est pas grave non ce n’est pas grave je n’avoue pas ces choses là d’habitude d’habitude je fais comme si je jouais au bon jeu alors on me laisse tranquille j’aime ça être tranquille je ne suis pas vigilante au temps je ne calcule pas l’espace je respecte la solitude et suis de mieux en mieux solitaire parfois je pousse des hurlements je n’entends pas que moi dans ces cris un jour j’ai eu le vertige depuis il ne me quitte plus aujourd’hui j’ai serré contre moi une pensée secrète à plusieurs reprises je n’ai pas su quoi répondre j’imagine des tas de choses et c’est tout aussi bien que les vivre je peux la métamorphose je n’ai pas peur de l’avenir on dit toujours que j’ai les yeux noirs j’ai fini par l’admettre comme une certitude mais quand j’y pense je crois que c’est beaucoup plus compliqué que ça tout à l’heure j’ai caressé un petit chat moi à tout le monde je raconte que je ne les aime pas les chats que je leur préfère les chiens mais ça aussi ce n’est pas vrai et quand je suis sans que personne soit là je donne le gras de mon jambon autant aux chiens qu’aux chats et les deux me font très plaisir à voir je ne comprends pas pourquoi il faut toujours avoir des préférences quelqu’un m’a expliqué un jour que ça prouvait qu’on avait du caractère je n’ai pas réfléchi à la chose ça ne m’empêche pas de continuer à parler aux chiens et aux chats la télévision me fait peur je suis effrayée pareil quand il y a des voitures je sursaute souvent le bruit m’empêche d’être libre parfois parfois je mets les mains devant les yeux et j’appuie un peu alors je vois des points rouge et des triangles jaunes et verts j’aime écrire mais là encore je sais bien que tout le vrai de moi que j’ai envie de dire je n’oserai pas je n’oserai pas j’aime écrire et à cause du mot que je ne pourrai pas ça me fait mal au ventre et derrière les yeux ça me donne du sang en trop et ça me fait le cœur à l’envers déréglé c’est tout bizarre comme sensation ça fait comme un petit oiseau blessé a qui on sourit en hochant la tête parce que bon sang c’est terrible il aurait pu se tuer mais vraiment c’est merveilleux qu’il soit dans le creux de la main ce petit oiseau-là l’événement est brutal.

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MOUVEMENT 4

Grille de nuit. Silhouette. Disparition totale : le globe s’est fendu. Carnaval les barreaux quelque chose se rompt : La discussion, n’est plus la même. Le mental fait défaut. Bloc d’os, soleil vieux sècheresse. Nous on ne savait pas, personne ne savait. Précipitation, excessive rongée, les chiffres arpentent l’œil, défaire les formes induites. Fouiller jusqu’à épuisement. Le verbe en creux. Les bouleversements. Les grandes lignes lapidées. La sonnerie, le hurlement. Nous, on ne savait pas, non, de nous nul ne savait. Empreinte de l’ombre, marque sel magnétique. Suffoque la matière. Perdu descente face à face. D’autres questions seront posées. Moment désastre et la vision se perd. Claque. Le hall se vide. Le temps quitte le hall. La porte tourne. Jamais fermée. Personne. Non, personne n’aurait pu savoir. On n’a jamais rien su de personne, on pouvait pas savoir. La tête se coupe. Pagaille. Le sourire aussi c’est pagaille. Le dément coupable. Folie a un doute. Mais comment ? Comment alors nous quoi savoir ? Ordonnance froissée, carapace altérée, courage psychiatrique. Effondrement la lame. La pierre avale l’océan. La lame exulte un cri guerrier. Noyade sans mesure. Le signal : corrosif. Nous on ne savait pas, on n’a jamais rien su de nous. Sabot sur tranche, horizontal. Le cri. Le cri. Le cri donne trois fois le poids. Ajustement des positions, pondérabilité excise, Machinique se meurt, fluidification impossible. Détonation mourir. Le trouble un peu, mais ne rien dire. La lune n’a jamais menti, les cartes sont toujours à battre. Comment que nous on aurait pu ? Comment savoir, on n’a rien su, non non personne ne savait, personne n’a jamais rien su, on ne sait rien : des évidences.

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LE JOUR DU JOUR CHERCHE À ÉCRIRE

x’ x’ x’ Demander l’impossible…
En rouge la fenêtre
des hommes nus devant la mer…
Sur la dune un fantôme pleure
Le vent dans ses cheveux :
ça ne fait pas de bruit les fantômes
et ça pleure
Les avions de papier :
des traces de pas sur le ciel…
x’ x’ x’ Demander à nouveau
à nouveau l’impossible…
Les hommes au bord de l’eau
la sensualité : délicieuse…
Les soirs brûlants leurs mains le sable
le corps en creux…

x’ x’ x’ Le fantôme le vent ?
Voilà bien dix jours qu’ils voyagent…
Les histoires les voix
jusqu’à la nuit
la rouille et l’or sur les falaises…
Les oiseaux de papier :
petits monstres à sourires…
Le fantôme fabrique :
Le fantôme
a le regard triste…
x’ x’ x’ Demande encore
x’ x’ x’ une fois encore
x’ x’ x’ la fabrique… de l’Impossible –

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LE JOUR DU JOUR BOUFF’ TA CHOUCROUTE

Pendant mon temps de vivre :
rien

Tout ce rien qui me manque
me fait tenir debout
Ce petit rien de chose
qui me ronge le ventre
rien que ça :
ferait tout

Rien que c’est toi mon rien qui manque
c’est toi mon tout dans ma parole
mon petit bout de supplément
qui m’invente un regard
qui me rien
qui me tout…

Grâce à toi je m’approche
oui j’approche de moi
Sans toi…
Sans toi je n’ai plus de langage
et je n’existe pas

Tu es la vie en plus que je sais pas me faire
tu es la mort dans mes vertèbres
parce que je t’aime
Ça :
m’absente

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Édith Azam (1973) is dichter te Marseille. Haar recente publicaties zijn Cher petit toi, cher petit vous (Éditions du soir au matin, 2010), Du pop corn dans la tête (Atelier de l’agneau, 2010), Soleil-œil crepu (Dernier télégramme, 2011), Qui journal fait voyage (Atelier de l’agneau, 2012) en Mercure (Éditions Al Dante, 2012). Zij werkt regelmatig samen met kunstenaars uit andere disciplines zoals bijvoorbeeld muziek en dans. Daarnaast geeft zij workshops Creatief Schrijven aan middelbare scholieren.

De gedichten Le jour du jour cherche à écrire en Le jour du jour bouff’ ta choucroute verschenen onlangs in Qui journal fait voyage (Atelier de l’agneau, 2012).

Over de auteur

- Rozalie Hirs is redacteur van de LL-serie (Lage Landen-serie) en Vertaallab op Ooteoote. Daarnaast is zij dichter van boeken en digitale media. Zie ook www.rozaliehirs.nl.